Under Construction Gallery
Sculpturing time
Une exposition de André Avril et Emmanuelle Bouyer
La matière première de cette exposition est un travail filmique, photographique et sonore
réalisé pendant plusieurs mois dans les anciens bains douches et piscine désaffectés de la
ville de Colmar, ré-ouvert en 2016 au public pour accueillir l'extension du Musée Unterlinden.
Un travail qui s’est développé en plusieurs étapes et plusieurs lieux jusqu’à la galerie
« Under Construction Gallery » où la matière se composera à des échelles différentes sous la
forme d’un laboratoire, avant sa présentation au Musée Unterlinden à Colmar.
Cette exposition apparait comme un dialogue entre deux artistes, une installation composée
à partir de trois films assemblés en triptyque et devenus le centre de leurs échanges. Deux
modalités différentes de s’inscrire dans un lieu, entre immobilité et mouvement.
André Avril s’est déplacé dans le bâtiment pendant plusieurs mois, dans le temps des
variations et des intensités de la lumière. Une approche sculpturale dans la dimension
physique de l’arpentage. Après des tentatives de cartographier les espaces du bâtiment en
suivant du sous sol au combles les déplacements de la lumière, il a posé ses caméras à
chaque extrémité du bassin de la piscine, dans l’attente que le temps se dépose dans le
ralentissement de la lumière retenue à la surface de la matière qu'elle rencontre. Une
manière de percevoir, dans le temps d’un retrait, la rotation de son propre corps dans la
rotation de la terre. Un état de latence à partir duquel tout redevient mouvement et vibration
dans une apparente immobilité de l’espace.
Emmanuelle Bouyer tente de traverser l'espace du bassin avec son corps, elle vient le
toucher, l'effleurer, avec le mouvement ample de sa robe. Elle filme le mouvement de son
corps et la trace qu'il laisse sur son passage. Elle flotte dans l'absence de l'eau, dans la
matérialité devenue visible de la lumière.
D'un côté, l'éloignement de ce que l'on ne peut atteindre, ni toucher, le mouvement de la
lumière dans son apparente immobilité, et au centre du triptyque, une immersion possible
dans laquelle la lumière et le corps naissent l'un dans l'autre.
Une rétention du souffle d'un côté et une respiration ample de l'autre. Cette respiration
devient la forme visible de la relation du corps avec son environnement, le vide occupé par
l'air et la lumière dans le vide du bassin, dans une porosité avec l'extérieur. Les sons ralentis
qui nous parviennent transforment le vide en réceptacle.
Autour du triptyque est installée la matière qui a accompagnée l’élaboration du projet. Elle se
présente sous différentes formes, à la manière de dispositifs constitués de films sous la forme
d’un diptyque, d’images, de textes, d’un jeu de carte et de la voix singulière de l’écrivain
Nicolas Vatimbella qui a accompagné les images du triptyque avec un texte poétique.
Au mur, des images prises dans le temps de la présence des artistes dans le bâtiment sont
comme une vision fragmentée des espaces de l’architecture, une succession d’instants non
linéaires saisis dans les différences de perception du lieu. Un état fragmentaire du bâtiment,
en équilibre avec l’apparente unité du triptyque.
Le Diptyque présenté à la galerie est emblématique du projet, il rassemble les différentes
formes d’existence de la matière filmique, photographique ou sonore récoltée depuis le début
du projet dans l’architecture des bains. Il est le lien qui peut permettre au spectateur de faire
ses propres relations avec le lieu en créant des rapprochements entre ou avec les autres
dispositifs présents dans l’exposition. Le montage des films est pensé comme une partition
musicale, pour rendre sensible la multiplicité des présences rencontrées et des atmosphères
traversées. Les sons dans leur dimension immersive sont une matière importante. Ils
parviennent des différents espaces de l’architecture, parfois synchronisés avec les films ou
pris indépendamment des images pour capter la présence confuse des bruits du dehors
filtrés par la porosité du bâtiment.
Dans ce projet, il n’y a aucune volonté d’établir une cartographie du lieu. Les espaces dans la
relation de proximité des films, des images et des sons deviennent autres, les contours se
déforment, la gravité n’agit plus de la même façon, elle semble avoir comme des
complaisances envers la matière.